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BERNARD FEILLET
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La sculpture de Maki Georgeon nous parle de l’homme, cet être étrange, qui se tient au centre de tout, seul parce qu’il est unique, comme un appel pour une impossible rencontre.
La solitude est au cœur de cette œuvre, comme une force qui rend chacun incomparable et pourtant épris de tous les autres dont l’absence creuse le désir. « Que serait, dit Rilke, une solitude qui ne serait pas une grande solitude ? ». Si cette oeuvre nous rejoint, ne serait-ce pas qu’elle réveille en nous ce désir d’être aimés puisque nous sommes seuls justement. Le message n’est pas une plainte, encore moins une douleur, mais une évidence. Il est inscrit dans l’intensité de chaque être qui ne sera pas consolé. Aussi cet homme se tient-il dans un environnement austère et inhabituel. La ville est là, mais elle est étrangère, puisqu’on ignore où elle se situe, s’il est possible d’y entrer et d’en sortir. Peut-être n’est-elle pas hostile, déconcertante sûrement. Y a-t-il même un lieu pour se tenir, se reposer un peu ? La nature n’est d’aucun secours, minérale et indifférente, comme si un dieu quelconque ne l’avait jamais visitée ou prématurément abandonné.Ce n’est sans doute pas une trop grave absence, puisque l’homme demeure dressé sous le ciel et qu’il est celui qui prophétise, dans le désert certes, mais pour les hommes qui l’ont investi. L’attitude du prophète est de se tenir avant l’apocalypse : la révélation n’a pas encore eu lieu. C’est ainsi que devant cette œuvre, on se tient silencieux, impressionné par tant de gravité, sans rien de facile ne vienne nous distraire de l’avertissement déjà donné par Kierkegaard : « Il est interdit à un existant d’oublier qu’il existe. » S’en souvenir ne suffit pas, encore faut-il devenir créateur, comme y invite Maki dont les formes ne sont pas du déjà vu. On trouve ici l’inouï de la musique, l’inexprimé de la poésie et l’inconnu de la sculpture. Et l’on se demande : qu’est-ce qui fait la différence ? Une certaine intuition de l’être qui ne s’explique pas, mais qui se livre impérieuse et nécessaire, et derrière laquelle l’artiste s’efface sans la retenir et lui donner l’espace de l’être.
Bernard Feillet